Retour courses 2004

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Le CR prémonitoire de Beaujolais Runner

Et voilà, le dernier entraînement est bouclé. J’ai testé mes belles guêtres, bricolées avec une paire de chaussettes distendues ; c’est pas très sexy, mais c’est efficace. Pas un caillou n’est entré (bon, je n’ai couru que 35 minutes et sur du bitume autour de la Place de la Bastille, donc ça risquait pas d’arriver !)

Bon à titre prospectif, voici ce que ça pourrait donner, dans … une soixantaine d’heures :

•10h : nous sommes 83 sur la ligne. C’est imposant finalement comme peloton. Beaucoup parlent, voire plaisantent, l’ambiance est détendue. Certains semblent concentrés. Mmi, Zizou et Chico se sont finalement inscrits à la dernière minute.

•11h : et c’est parti. Dur de trouver son rythme 24h dans cette ambiance endiablée. Je suis au fond du peloton. Phil est parti comme s’il était pressé, ça devait lui manquer de ne plus courir ! Oignon03, gcain et E.Conreaux m’ont déjà pris 4 tours. En une heure !

•Midi : tout va bien, les enfants repartent à la maison. C’est quand même long pour eux, d’attendre au bord de la piste. Je suis 70ème, loin au classement. Quasiment juste devant les marcheurs, un petit signe amical à Yves83 à chaque fois que je le dépasse.

•13h : l’allure a globalement faibli. Beaucoup cherchent un rythme plus en phase avec la durée de l’épreuve. Je discute un peu avec Fredou qui m’a déjà pris 2 tours. A force d’aller trop vite, j’ai presque 10 minutes d’avance sur mon planning. Pas raisonnable tout ça. Mais comment résister à l’ambiance ?

•14h : les groupes se font et se défont au rythme des arrêts ravitaillements. Une joyeuse effervescence commence à apparaître près de la table des ravitaillements. Les jambes deviennent un peu lourdes, mais sans plus. J’ai besoin de me renfermer un peu sur moi-même.

•15h : Je n’ai encore doublé aucun coureur, mais curieusement, j’ai gagné des places. Me voilà 61ème. Les arrêts ravitos commencent à se prolonger pour certains. Beaucoup s’étirent. Ca devient dur. Encore 19 heures ? Jamais je ne pourrais.

•16h : les visages sont à présent marqués. Il y a nettement moins de conversations. Le nombre de coureurs sur la piste commence à diminuer. Je franchis mon premier marathon. Plus que 3 à parcourir. Je suis pas venu pour rien. Les kilomètres seront pour la CTU. J’essaye de prendre la foulée de Cyrano, mais je sens que cette petite accélération ne me convient pas. Je me résous à conserver mon allure.

•17h : Premiers abandons. Je marche de plus en plus après chaque ravitaillement. 200 mètres environ. Je fait moins attention à mes temps de passage sur le papier. Mikaël a la bonté de m’accompagner. On parle un peu du mag, ça change les idées. Encore 3 places gagnées : c’est drôle, ça change rien sur la durée qui reste à courir, mais mentalement ça fait du bien d’avoir gagné quelques places.

•18h : Jamais couru encore si longtemps. J’ai trouvé, si cela est possible, un 2ème souffle. Mais le temps des pauses s’accroît. Chacal m’encourage en me doublant " Allez les Rookies ". Il commence à faire frais. La petite marche en descente avant la ligne droite du retour commence à cogner dans les cuisses.

•19h : Le téléphone sonne. C’est mon grand-père ! il m’avait pourtant dit que c’était pas bon pour la santé de courir longtemps. Il me redonne un coup de fouet. Je cours toujours à mon allure 24h, et plus vite que prévu, mais les périodes de marche ont tendance à s’allonger. L’un dans l’autre, je conserver les 10 minutes d’avance sur le timing prévu. " Put… encore 2 marathons et demi " Nitram semble encore tout frais. Comment fait-il ?

•20h : La nuit tombe. Le changement de luminosité occupe l’esprit. On a l’impression de rentrer dans une autre course. Certains font un arrêt dîner plus conséquent. Les premiers enchainent toujours les tours d’une manière inexorable.

•21h : " ils m’agacent, ceux des relais à courir si vite ". En même temps je les envie " Mais qu’est-ce que je suis venu faire ici !, je serai pas mieux à la maison ?, c’est vraiment pas un week-end ". Une consolation, je boucle mon 2ème marathon. C’est sûr, je suis plus en état de faire les autres

•22h : C’est la mi-course. Je passe 38ème. Dans la première moitié des participants. Ca m’arrive pas souvent. Petit moment d’euphorie. Ca dure pas bien longtemps. Marmotte me glisse quelques mots. Pas trop envie de parler. Je préfère rester dans ma bulle. Ma femme est de retour. Les enfants sont couchés.

•23h : Tout le monde s’est couvert. Les bonnets, les gants apparaissent. Je me sens raide. J’évite de regarder le chronomètre géant, et de penser aux kilomètres restant. Seul compte la distance avant le prochain ravitaillement. Je savais pas qu’on pouvait courir aussi lentement. Madame Oignon encourage son mari. En fait, elle encourage à peu près tout  le monde.

•Minuit : Millepattes vient me féliciter. " Ca y est, tu as franchi les 100 bornes " Hein, Quoi, à oui, mais c’est pas très important. J’ai un gros coup de barre. J’essaye de fermer les yeux en courant. Ca marche pas. J’attends Michel. On va parler un peu pinard. Ca devrait me tenir un peu éveiller.

•1h : 10 minutes de pause. Une soupe chaude. Ca fait du bien, si je m’écoutais, je resterai là, à discuter. Bruno m’engueule " t’es pas venu faire du tourisme, quand même ? " Je râle pour la fome, mais repart. Il a été au bout à Taïwan. Et j’ai pas encore le sentiment d’avoir tout donné. Pas le droit de se reposer. Une voix me suit " Optimise ton potentiel ! "

•2h : Ca fait mal partout. Plus du tout envie de courir. Je délaisse mes feuilles d’avancement. Je suis en dessous du tempo prévu. L’avance prise en début de course est en train de fondre. Si y’avait pas ce put… d’objectif, ça fait longtemps que j’aurais arrêté. Un regard complice avec Michel de Cham. Il a l’air de sacrément regretter ses montagnes. Pourtant il en vu d’autres ; Eh ! c’est un finisher de l’UTMB !

•3h : Plus grand monde sur la piste. Léonard enquille les tours. Avec son rythme mi-course, mi-marche, il en avale des kilomètres. Un bref calcul mental, il est toujours sur la base d’une belle perf. Les 200 bornes ne seront peut-être pas atteints, mais il en sera pas loin. En attendant, il me reste encore un marathon. 42 km en 7h. En continuant à marcher d’un bon pas, je peux y arriver. Oui, mais voilà, je peux plus marcher très vite. Faut donc continuer à courir, au moins 3 tours sur 4. Je commence à être bancal. Une foulée déséquilibrée pour compenser quelques crampes naissantes. Je me sens sale : vaseline, sueur, sel, boisson énergétique, …. Ça fait un mélange poisseux. Je décide d’arrêter la course à pied dès lundi. Vais me mettre au badminton, ou à la philatélie !

•4h : Le corps est tout raide, j’arrive plus à m’étirer. Les jambes sont si lourdes. De toute façon, ça fait déjà plusieurs heures que je suis dans cet état. Y’a donc pas de raison de s’arrêter. Et puis, il reste à peine un petit quart. Le ravito est un point de réconfort. Christine Guelfo et Catherine Poletti se dépensent sans compter, malgré le froid, pour soutenir tout ce petit monde. Ca devient trop tentant. A chaque tour, je dois me faire violence pour ne pas m’arrêter systématiquement à la table de ravitaillement.

•5h : Ca commence à aller mieux, c’est l’heure où je me réveille d’habitude. Je regarde fréquemment vers l’Est. J’ai hâte de voir le ciel pâlir. Dans la nuit, malgré une vitesse très lente et un recours à la marche trop important à mon goût, j’en ai gagné, des places. 24ème ! Je me surprends à penser classement plutôt que performance. N’importe quoi ! la fatigue sans doute …

•6h : Je marche encore trop. C’est drôle, cette envie d’assurer, de ne pas viser plus haut que l’objectif ciblé. Je pourrais courir d’avantage, mais je reste sur la marche. Je ne vais pas vite, mais cela correspond à peu prèt à la vitesse pressentie. Alors, pourquoi en faire de trop ?

•7h : la piste est à nouveau bien remplie de coureurs et de marcheurs. Furet a retrouvé une belle foulée.

•8h : Le soleil revient. Ca semble redonner du courage à tout le monde. Zebulon est impressionnant de fraicheur.

•9h : Quelques courageux s’offrent un dernier baroud pour l’honneur. Ils n’ont pas forcément couru toute la nuit, certains ont pris un peu de repos, mais à présent que l’arrivée est proche, ils retrouvent des forces. Brunor est en train de se faire mal. Il est admirable dans son effort. Il a vraiment envie d’atteindre son objectif. J’aimerai bien pouvoir l’imiter. Mais ça fait trop mal. On va se contenter du minimum pour atteindre les 169 km. Les enfants sont levés et m’ont rejoint. Ils m’encouragent, à leur façon "  Mais pourquoi, il fait des grimaces Papa, en courant ? "

•10h : Peu de coureurs ont finalement sprinté. Ca se termine comme ça a commencé. En douceur. Un grand vide tout d’un coup. Quand même 24h, ça fait long. 170 kilomètres, à peine un de plus que prévu. Je suis content, 18ème en revanche, ça signifie rien. Mal dans tous le corps. Dans le fond, c’est passé vite … mais ça va être difficile de récupérer.

•11h : Péniblement, la douche. Que ce fut dur de se déshabiller. Et que dire du rhabillage.

•Midi : Bon ça va être l’heure de déboucher quelques bouteilles. Euh, y’a quelqu’un qu’à encore des forces pour le tire-bouchon ?

Voilà, ça fait parti du bon millier de scénarios imaginés depuis le 28 octobre, date de ma première chronique. Je vous épargne les 999 autres, mais sachez que cela va du scénario catastrophe (l’abandon piteux au bout de 7 heures) au scénario optimal (une arrivée triomphale et 180 kilomètres au compteur) Ben quoi ? On ne peux plus rêver ?

Si vous-mêmes avez déjà visualisé votre course, n’hésitez pas, on pourra toujours comparer après coup si les prémonitions étaient bonnes :-p)

Toute ressemblance avec des personnages existant ne serait absolument pas fortuit. L’évolution du classement est purement statistique. Mais la loi des grands nombres étant impitoyable, tout coureur terminant avec 170 kilomètres devrait se classer 18ème sur 83 (je vous épargne la notion d’intervalle de confiance, chère aux instituts de sondage depuis les élections présidentielles, …). En revanche le doute subsiste sur mon aptitude à couvrir la distance. Réponse très bientôt. Il va s’agir de concrétiser tous les efforts consentis à l’entraînement.

En tout cas, c’était la dernière chronique, la prochaine se sera pour … le compte-rendu.

Cordialement
JHD "Beaujolais Runner" 

 

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