*** Il fait nuit et des milliards de petits corpuscules blancs butent sur mes yeux, condensés par l'éclairage de la frontale. Malgré ce froid glacial, la solidarité du groupe nous enveloppe d'une chaleur douillette. Mes co-équipiers sont d'une efficacité exemplaire. Tout au long de la course, ils auront d'ailleurs toute mon admiration et ma confiance. Je suis fière et heureuse d'avoir appartenu à une telle équipe !

Quant au RAid28 : Je l'ai fait. Bon sang, je peux le dire et le redire : J'ai fait le Raid28 !!!

Les images se bousculent et se succèdent par flashes :

- des cris angoissés appelant tel coureur isolé, des prénoms qui fusent dans l'obscurité, des équipes disloquées

- c'est terrible de vivre ces périodes angoissantes. Un seul membre manquant à l'arrivée...je n'ose y penser !

- mon regard qui scrute le sol à la recherche d'un sol non fuyant

- la boue qui vous fait déraper brusquement

- mes chevilles qui souffrent du manque de stabilité

- les énormes sillons laissés (exprès) par les tracteurs

- les branches basses qui cinglent les visages, les jambes

- les arbres aux allures fantasmagoriques, à l'aspect menaçant

- la sensation d'être une intruse dans la nuit, au milieu des bois,

- celle de flotter sans repère dans le brouillard mais toujours d'avancer

- la peur de me retrouver seule sans mes hommes, perdue dans cette immensité lugubre

- et de se dire : " n'y pense pas, ce passage effrayant ne va pas durer "

- le bonheur d'être rassurée par leur voix, leur présence

- un tronc énorme sous lequel j'ai rampé

- les sentiers étroits suivis le long des rivières

- le bonheur à chaque balise relevée (et nous les auront toutes trouvées)

- mon soulagement lorsque je retrouve le bitume

- et ma déception quand il nous faut retraverser les champs boueux

- la boue, c'est une espèce de magma collant aux running qui les plombent, qui accroît inhumainement l'attraction terrestre à en devenir dingue ! Voilà c'est dit !!!

- la boue, c'est s'enfoncer dans des marécages nauséabonds (à cause du fumier) et se dire " je vais finir par en sortir, un pas encore et encore un autre m'éloignent de cet enfer "

- Je déteste courir sur la boue ! C'est épuisant surtout après 8, 9, 10 heures et plus de course !

- La boue est une sangsue qui vole votre fluide vital : votre énergie de coureur. C'est un monstre qui se nourrit de courage. Celui des raiders.

- et puis soudainement, le jour se lève. Et l'on est rassuré de faire à nouveau partie de l'espèce humaine.

- des champs à perte de vue : les yeux pleurent à la recherche du chemin salvateur

- le givre enneige le paysage, des fruits rouges éclairent de tâches sanglantes la blancheur immaculée. C'est magnifique !

- Un troupeau de chevreuils. Eux aussi courent mais c'est une course de survie.

- des chasseurs à l'affût, des tirs résonnent autour de nous. J'ai peur...pour mes co-équipiers et moi-même ! Peur de récolter un tir de chevrotine.

- Les heures défilent, c'est long... Lent...Et douloureux. MAIS : nous avons confiance, le drapeau UFO et le chiffre 7 comme dossard !!!

- Les sourires, les blagues, la joie de découvrir des balises rares, quasi-introuvables. Le pointage aux divers PC nous annonce des classements encourageants. Ca fait du bien au moral ces PC qui se suivent et nous rapprochent de la fin de course.

- les balises qui se découvrent avec une facilité étonnante ! En fait, ce sont mes compagnons qui rendent leur découverte si facile !

- Ils sont vraiment très très forts.

- Les dernières balises se succèdent à un rythme imposé par leur distance : 1,5 km ou 2 km.

- La pause que nous permet le poinçonneur des lilas (ufoot) est à chaque fois un délice. Cadeau bienvenue pour nos chevilles, nos genoux.

- Et enfin notre arrivée !!! Tous unis, main dans la main. Avec un sourire radieux, nous passons l'arche d'arrivée.

- Nous sommes heureux et réellement soulagés d'avoir vaincu le Raid28.

Merci à tous et à chacun de m'avoir choisie pour votre équipe ! J'ai l'impression d'avoir franchi une étape encore.

16h30 de course au total dans des conditions très difficiles. JE retiens le courage de chacun et surtout la cohésion au sein du groupe qui a régné tout au long de notre course. La confiance en chacun. Pas un mot déplacé, pas une parole blessante. Du respect envers chacun, de la sympathie, de l'affection aussi parce que je les aime bien mes coureurs du RAid28.

Un grand merci aux bénévoles qui nous recevaient à tous les points de contrôle avec gentillesse et chaleur humaine. Il y en a qui grelottaient. Ils ont souffert du froid tout comme nous. Un éternelle reconnaissance à la personne qui nous a accueillis à l'arrivée avec un bol de soupe brûlante. Un autre merci aux parents de l'Electron venus à notre rencontre et nous encourageant à leur tour !!!

Et ce bonheur final de s'asseoir enfin, au chaud avec une corne d'abondance en victuailles !

Enfin une autre reconnaissance : merci à Alexandra, soeur de L'écureuil, pour ce retour grand luxe direct à mon domicile.

Une pensée pour L'blueb qui devait prendre sont train inextrémis.

Merci à tous les membres de l'équipe : chapeau à l'Ecureuil pour son sens de l'orientation, secondé en temps voulu par l'Electron et L'Bueb.

Chapeau à notre Capitaine qui a su m'apporter réconfort et soutien quand il le fallait, idem pour les autres membres de l'équipe.

Chapeau à Ufoot : rien ne l'effraie. Pas même le ruisseau glacial à franchir ! De sacrés coureurs tous !!!

Et puis...quelque chose qui me tient particulièrement à coeur en tant que maman.

Imaginez le spectacle : l'ascenseur s'ouvre au RDC et je vois une immense feuille scotchée avec écrit en gros " Bienvenue à notre maman chérie " . J'en étais toute attendrie. J'arrive à mon pallier et...

Toute la porte d'entrée était recouverte de petits mots tendres : " Vas-y Maman on est avec toi "

" Bonne course maman jolie " "Allez koline, on t'aime notre maman" "Maman chérie, Vive notre Maman "

Avec des dessins et des serpentins multicolores pour compléter. Et derrière la porte, le rire de mes amours.

Quel retour !!! Quelle course !!! Quel finish !!! Quelle équipe !!!